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Dweezil Zappa, au nom du père

Le lendemain de la projection historique de Roxy The Movie de Frank Zappa et ses Mothers au Club de l’Étoile, Guy Darol, notre envoyé spécial à Paris, était au Trianon pour assister au concert de (Dweezil) Zappa Plays Zappa, qui quarante ans après sa sortie a rejoué l’intégralité de “One Size Fits All”. Mais pas que.

Sous les anges dodus et de stuc voletant autour d’un bas-relief représentant une sainte aux seins nus, le pourpre des fauteuils est un tremplin pour l’imagination en quête d’analogie. Dieu a pris place sous nos séants comme si l’on partait en voyage (ou plus exactement en Sofa) le temps d’un concert dont rien ne dit qu’il sera divin.
La scène est encore vide de toute humanité au moment où nos regards plongent du deuxième balcon. C’est là que nous sommes perchés. Sur un nuage en somme mais dans l’incapacité de tirer à bouche que veux-tu sur le moindre cigare – à la manière du Boss céleste sur la pochette de “One Size Fits All”, vingtième album de Frank Zappa réalisé en juin 1975.
Il y a beau temps qu’on ne fume plus dans les salles de musique et c’est pourtant la fête au Trianon ce soir. Cela se voit, cela s’entend mais cela ne se hume pas.
Je me demande si nous sommes nombreux à vivre l’attente dans une expectative fébrile. Peut-on être serein quand on a assisté, en mai 2006, sous le Zénith exactement, au coup d’envoi de Zappa Plays Zappa qui propulsait presque simultanément Steve Vai et Terry Bozzio ? Sera-t-on mêmement éblouis ? Que va-t-on nous mettre sous la dent ?

ZAPPA Dweezil Affiche20 heures et des brouquilles, voici Dweezil vêtu de noir (Gail a retrouvé Frank il y a moins de deux semaines), entouré de jeunes gens chics et bons à la fois. Avec son charisme de fils pusillanime, Dweezil rappelle qu’il va jouer l’intégralité de “One Size Fits All”. Les morceaux s’enchaînent l’un après l’autre, si vite que l’on se dit qu’on a eu tort de tomber la veste. A ce rythme enlevé le show pourrait ne pas excéder la durée de l’album, soit 43 minutes.
Les musiciens sont impeccables, sérieux comme des bêtes de concours. Leurs jeux sont faits d’exactitude polymétrique qu’aucun reproche ne saurait accuser. Ils sont parfaits sauf quand ils chantent (ou dansent à petits pas chassés), car alors ils frisent le délire sans jamais l’atteindre. On sourit en songeant à George Duke interprétant Inca Roads ou encore à Napoleon Murphy Brock – ces talentueux n’avaient qu’à ouvrir la bouche pour propager aussitôt une épidémie de frissons. Leurs voix nous manquent cruellement. Celles que l’on nous sert sont si blanches en dépit des efforts de Ben Thomas dotés de cordes vocables d’une élasticité certaine mais elles manquent cruellement de soul.

Nous voici congédiés pour un entracte de vingt minutes. La récréation terminée, Dweezil prévient qu’il va interpréter une composition coécrite avec son père en 1988. Jamais gravée sur disque, Dragon Metal n’est pas une chanson douce. Cette saynète onaniste est glapie par Pete Jones (bassiste de PIL) dans un style pur metal. Dweezil et ses brillants jeunes gens semblent soudain plus détendus. Les fauves sont enfin lâchés. C’est la meilleure période et elle est divertie par une tentative d’audience participation emmenée par le chef un tantinet moins roide. Le public se voit confier une triple mission : pousser un rire aigu, taper du pied, prononcer le nom de Jerry Lewis avec l’accent du Montana. Montana est du reste célébré en référence à “Over-nite Sensation” entre deux instrumentaux (dont The Grand Wazoo sans bavure) et une rafale de solos toujours finement tricotés.

La salle est pleine et l’auditoire rempli de joie après la démonstration d’un dernier invité présenté comme un professionnel. Professionnel Manu Eveno (Tryo) l’est assurément, et celui-ci ne cache pas son bonheur. Sa conversation guitaristique avec Dweezil sur Cosmik Debris est un vrai moment de fête. Même s’il sonne un ton en-dessous par rapport aux trois précédentes performances parisiennes, l’hommage du fils à son Surmoi qui le surveille depuis 1993 fait plaisir à voir. Le public est visiblement conquis qui le remercie généreusement de lui avoir apporté au dessert un Muffin Man élevé dans les cuisines de “Bongo Fury” au temps où Zappa jouait Zappa en compagnie de Captain Beefheart.

Dweezil Zappa (guitare), Scheila Gonzales (saxophones, flûte, claviers, voix), Ben Thomas (voix, saxophones), Chris Norton (claviers, voix) Kurt Morgan (basse) et Ryan Brown (batterie, percussions).

Setlist
Première partie :
“One Size Fits All” In Its Entireteee !
Star Wars Theme
Inca Roads
Can’t Afford No Shoes
Sofa
Po-Jama People
Florentine Pogen
Evelyn, A Modified Dog
San Ber’dino
Andy
Sofa N° 2
Deuxième partie
Dragon Master
The Grand Wazoo
The Evil Prince
Montana
Apostrophe
Rappel
Cosmik Debris
Muffin Man

CD
“One Size Fits All” (Zappa Records / Universal). L’album vient également de reparaître en vinyle.
DVD /Blu-ray / DVD-CD “Roxy The Movie” (Eagle Vision / Universal)