Il ne faut jamais désespérer : le deuxième album du saxophoniste anglais Chris Hunter, paru en 1986 sur Atlantic et featuring Hiram Bullock (notre photo) vient enfin d’être réédité en cd au Japon dans la série “Fusion Best Collection” de Warner Bros. Il est en vente chez nos amis du rayon jazz de Gibert Joseph pour un prix frôlant le dérisoire.
Chris Hunter, sa bonne bouille de footballeur anglais – « The mate looks like a bit Chris Waddle, didn’t he ? » – et sa sonorité d’alto héritée de celle de David Sanborn, on l’a découvert dans l’orchestre du grand Gil Evans au mitan des années 1980. Connu aussi sous le nom de “Sweet Basil Orchestra” (du club new-yorkais où il se produisait tous les lundis), ce big band joyeusement bordélique fourmillait de talents. On y découvrit avec certain émerveillement quelques grandes figures de l’impro qui, depuis, ne nous ont jamais quitté : le regretté trompettiste Lew Soloff (également membre du Manhattant Jazz Quintet), feu le guitariste Hiram Bullock (très demandé à l’époque, puisqu’il jouait aussi avec David Sanborn et Carla Bley), le tubiste Howard Johnson, le claviériste-chanteur Delmar Brown (ex-compagnon de route de Pat Martino), le batteur Kenwood Dennard (Brand X, Jaco Pastorius…), etc., etc. Et, donc, notre jeune ami Chris (29 ans à l’époque). Que l’on finit, soi dit en passant, par co-interviewer (avec Gérard Rouy) en 1990 au festival d’Antibes Juan-Les-Pins, pour le compte de Jazz Magazine bien sûr.
En 1986, Atlantic avait de nouveau le vent en poupe et signait à tours de bras les nouveaux cadors du jazz en fusion, de Mike Stern à Danny Gottlieb en passant par Victor Bailey et Kenny Garrett, entre autres. Si l’on investit alors près de 80 francs (les imports américains coûtaient cher !) dans “Chris Hunter” (difficile de faire plus simple comme titre), on peut aujourd’hui avouer que c’était d’abord pour le casting royal : Hiram Bullock à la guitare (“Hiram pour tous”, comme titrait Jazzmag), Darryl Jones (Miles ! Sting ! John Scofield !) et/ou Anthony Jackson (l’homme aux 6789 séances) à la basse, Richard Tee aux claviers (membre du merveilleux combo jazz-soul Stuff), Steve Jordan à la batterie (beat maker de génie et grooveur sans égal)… Nos héros !
On ne fut pas déçus. Car s’il dévide sans bornes façon Sanborn de la première à la dernière minute, Chris Hunter joue parfaitement son rôle : celui d’un altiste “en chanteur” sont la sonorité pétillante s’accommodait parfaitement au répertoire, sans doute dicté par le producteur (et arrangeur) de la séance, le fameux Don Sebesky.
Quatre reprises de standards soul (Georgia On My Mind, bijou d’Hoagy Charmichael immortalisé par Ray Charles, Respect d’Otis Redding, Purple Rain de Prince et I Can’t Help It de Stevie Wonder, dont la VO fut évidemment créée par Michael Jackson), l’hymne américain (carrément, encore une idée de Sebesky !) et deux originaux : Strollin’ Down The Beauzo’s, signé Hiram Bullock, et Good Clean Fun , le seul titre qui sonne – un peu – “années 80”. Car le reste du disque, qui échappe aux mises en sons high tech de son époque, a très bien vieilli. L’antirouille ? Le groove pardi ! (Faut-il vous redire le nom des accompagnateurs ?) Et la touche gospel, prodiguée par l’incomparable Mister Tee, qui fait ressortir de Purple Rain toute sa sève churchy.
Entre “From All Sides” d’Hiram Bullock et “Upfront” de David Sanborn, “Chris Hunter” a sa place : vingt-huit ans après, il vous attend encore pour que vous vous fassiez la vôtre.
CD “Chris Hunter” (Atlantic / Import Japon, en vente chez Gibert Joseph).
NB : Son premier album, Chris Hunter l’avait enregistré dans son pays natal, sous l’égide de Mike Westbrook. Vous remarquerez que la pochette parodiait à la perfection celle de “Freewheelin” de Bob Dylan…
Pour en savoir plus : http://www.huntercsax.com/music/early-days.html
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